Je lis en ce moment : » Il pleut aussi sur Beyrouth« , de Caroline BOURGERET. cette jeune journaliste y raconte la guerre de l’été 2006 au Liban, son premier conflit, et comment elle a ressenti cette expérience, les traces qu’elle a laissées en 2013 ses écrits font remonter en moi une énorme vague de souvenirs : je relis mon blog; je réfléchis à ce que j’ai vécu ces deux années, ce qu’il en reste aujourd’hui. cet élan « nostalgico-reflexionnel » est chaque année relancé par la semaine du Prix Bayeux des Reporters de Guerre, surtout celle de cette année où la Syrie était au coeur des reportages, des débats, des images …. et avec les week-end DCC (les délégués; rencontre des anciens; w-e retour des Volontaires; retrouvailles avec des « Libanais ») …. pffffiiiiiiiou ! Cinq ans depuis mon retour, ça commence à faire ! cette année j’ai en 1° des élèves que j’ai eu deux ans après mon retour en France; l’une m’a dit : « il y a moins de signes de votre séjour au Liban qu’avant, mais il y a toujours des « Yallah » ! » ce qui m’a fait beaucoup rire, parce que je le dis sans m’en rendre compte ! Curieusement, l’arabe sort de ma bouche quand je suis fatiguée ou pas concentrée; l’an dernier j’ai sorti à un collègue « ferme la porte » (msak el bab) en arabe, il m’a demandé de répéter, je m’exécute, et une troisième fois : « la porte, ferme la porte » et lui : « ah oui là j’ai compris, parce que tu ne parlais pas français avant! » oups ! je ne supporte toujours pas les feux d’artifices, les bruits secs intempestifs … comme quoi, une semaine de « mais-non-c’est-pas-une-guerre-civile-même-si-les-Libanais-s’entre’tuent » de mai 2008, les tirs sur la colline en face qui font des éclairs dans la nuit 3 km au-dessus de chez soi, le char qui campe au coin du mur, ça laisse des traces… c’est pas un Syndrome de choc post-traumatique, mais ça marque. j’ai parfois tremblé de tout mon squelette et ai été littéralement tétanisée en mars dernier au théâtre, pour la pièce mettant en scène le récit d’un journaliste « perdu » en pleine Guerre de Yougoslavie : une plongée/immersion dans le meilleur et le pire des hommes ! Je me suis demandée comment on (sur)vit comme reporter de guerre ! peut-être en refusant de s’arrêter pour s’analyser et trop penser à ce qu’on fait, les risques encourus … une chose est sûre : ça influence ma façon d’enseigner ! les pratiques pédagogiques (il y a des choses que je ne voudrais jamais faire, des profs que je ne voudrais jamais être), la façon de le dire parfois et des sujets qui me touchent plus : la question de l’immigration,(un réfugié c’est quelqu’un qui a quitté son pays parce qu’il n’avait plus rien à perdre, non, ou une famille qui dépend de lui pour survivre et qui peut refuser de leur tendre la main ? Les droits de l’Homme, c’est pas rien ! ); la question des guerres, de la géopolitique, les génocides, les dictatures, … ce qui fait bizarre aussi, c’est la rentrée de septembre dernier : avec les tensions de l’été, l’une des premières questions posées par plusieurs collègues et aussi ami(e)s lors de nos retrouvailles était presque systématiquement : « ça va le Liban ? Tu étais là-bas cet été ? Tes amis vont bien ? ils ne sont pas trop inquiets? » : touchant, pour eux, pour moi ! Mes amis libanais ne savent pas combien de personnes pensent à eux !!! j’ai du mal à retenir mes larmes en voyant les reportages sur la Syrie : au milieu des décombres, entre deux interviews d’un camp et de l’autre, j’aperçois à la télé des lieux (dont Alep) que j’ai visité, où je me souviens m’être assise en attendant un bus, avoir pris une photo, discuté avec une femme ou un gamin qui jouait en vélo ou au ballon etc. je me demande ce que sont devenus tous ces gens qui nous ont salués gentiment, qui nous ont offert du thé ou un trajet en bus, ont discuté quelques mots pendant un trajet …. Mes parents qui y ont séjourné quelques jours ressentent la même chose ! en ce moment je cuisine libanais : fatayeh aux épinards, baba ghannouj … je suis allée au marché me chercher un mannouché au Zaatar ! parfois une envie de Liban m’attrape à la gorge, si fort que je prendrai un avion à la seconde, si c’était possible ! mes amis de là-bas me demandent : « Quand viens-tu nous visiter ? » Je chate un soir sur trois environ avec N. et nous partons en vacances une fois par an ensemble; il y a des échanges de mails assez souvent et les contacts plus ou moins directs via facebook avec tous les autres (ben oui !); quand j’apprends qu’il y a eu un attentat dans une zone qu’ils fréquentent, j’envoie tout de suite un sms pour m’assurer qu’ils sont vivants, que tout le monde va bien. Je suis ici, ils sont là-bas, je vois le Liban à travers les média et je panique en fonction des infos qui filtrent (y compris dans L’orient-le Jour), …. comme ma famille et mes parents devaient paniquer quand j’y étais ! quand j’étais là-bas, je ne ressentais pas les tensions de la même manière ! vu d’ici, j’ai l’impression que prendre un billet pour là-bas ne pourrait se faire qu’avec un gilet-pare-balles (cf. le site des Affaires étrangères par exemple, toujours trop prudent ????) et je pense avant tout à « comment je vais revenir s’il se passe quelque chose ? » alors que été 2007, j’avais presque pleuré quand l’ambassade nous a obligés à rentrer en France et dit qu’elle verrait en septembre si on pouvait revenir ! de 2006 à 2008, le Liban c’était : mon pays, ma maison, ma résidence principale: quand je le quittai c’était pour « aller en vacances » (même pour rejoindre la France); je me souviendrai toujours du sentiment que j’ai eu en posant le pied pour la première fois à Beyrouth en octobre 2006 et encore plus fort, été 2009, en revenant après un an en France : j’ai pensé à l’aéroport de Beyrouth « je rentre chez moi« , ce qui m’a fait un choc et m’a beaucoup interrogé ! et puis les années sont passées; Beaucoup, beaucoup de travail : nombre d’heures, de niveaux, de classes à examens, de nouveaux programmes, et l’impression de foncer la tête dans le guidon…. au week-end de debriefing de la DCC il y a presque un mois (oct.2013), l’une des formatrices a dit au groupe « il faut vous mettre dans la tête que dès maintenant vous n’êtes plus des volontaires, vous êtes des anciens volontaires ». moi je ne crois pas que ce soit fini, un jour ! et la rencontre d’anciens volontaires à la messe des nations me conforte dans cette idée : ce volontariat est vissé au plus profond de nous, c’est une part de nous, indissociable, et pas une parenthèse ! je ne sais pas si on revient complètement un jour ! mais je suis peut-être devenue « trouillarde », parce que je suis sortie du contexte et que j’ai pris de la distance, j’ai pris conscience, en voyant le regard et les réactions des amis et de la famille ou des gens qui m’écoutent parler du Liban, que ce que j’avais appris à voir comme « ordinaire » quand j’étais là-bas (ex : le miroir passé pour la voiture pour vérifier qu’il n’y a pas de bombe scotchée dessous; l’armée présentée tous les 200 m, les chars etc) n’était en fait pas normal ! … d’où mes craintes à reprendre un billet d’avion pour Beyrouth. C’est très nul ! ALORS : un jour je retournerai à Beyrouth avec Vous, toute la nuit déconner, chanter, danser le dabké et la bellydance !!! on se gavera de mezzé et de mannouchés et de kneffé, on ira revoir le soleil se coucher sur la mer, contempler le monde du sommet du Qornet-es-Saouda, grimper enfin sur Jabal-ech-Cheikh, et aller dans le Hermel et le Akkar, visiter le temple d’Eschmoun que j’ai jamais trouvé, le sud (Nabatiyet et le château de Beaufort; la porte de Fatima et Qana !!!) on retournera finir de visiter la Syrie : Palmyre (visite interrompue par la tempête de sable); le sud du pays, Deir-ez-Zor pour revoir le souk cosmopolite … … INCH’ALLAH !!!
Del. (DCC) : 2 ans en coopération au Liban ! (5 o 